Muhammad Asad: Le chercheur de la confession d’Abraham

La principale caractéristique de la longue vie de Mohamed Asad, marquée par un riche voyage spirituel, réside dans la persévérance de ce penseur juif dans sa quête de la confession d’Abraham, qui, selon lui, reste bien préservée en Islam, sans être ni affectée par les tragiques événements de l’Histoire ni altérée par les aléas du Temps. Il demeura par la suite porteur de ce message de l’Islam et fidèle à sa nation tout au long de sa vie qui fut aussi longue que large.

Muhammad Asad est né en 1900 dans la ville de « Lemberg », qui faisait alors partie de l’empire austro-hongrois (actuellement « Lviv » en Ukraine). Ses parents l’appelèrent « Leopold Weiss » et il resta connu sous ce nom jusqu’à sa conversion à l’Islam. Descendant d’une lignée de Rabbins réputés pour leur érudition dans la tradition juive, il appartenait à une ancienne famille juive qui s’est illustrée par l’étude de la Torah et du Talmud. Il a ainsi reçu une solide éducation religieuse en accord avec la tradition familiale. Enfant, il apprit l’hébreux et l’araméen, à Vienne il étudia la littérature et la philosophie. A vingt ans, il s’installa à Berlin où il a travaillé comme journaliste pour une revue allemande.

En 1922, Asad partit rendre visite à son oncle en Palestine. Il devint alors correspondant pour le quotidien largement répandu «Frankfurter Zeitung». Ce qui lui permit de sillonner l’Orient arabe et d'informer l'Occident sur des aspects inconnus de la vie sociale du Moyen-Orient et son patrimoine culturel. Une partie de ses chroniques furent rassemblées dans un livre «Un Proche-Orient sans romantisme», paru en 1924[1], et qui, à ma connaissance, n’a pas encore été traduit en arabe.

En Palestine, il découvre la confession et l’héritage d’Abraham et remarque –en tant que juif européen – la grande différence entre les juifs d’Europe qui immigrèrent en Palestine et les habitants autochtones arabes d’Al-Qods (Jérusalem). Il constate alors, écrit-il, – en scrutant les visages des gens et en observant leurs vies dans les ruelles de la ville antique- que le caractère d’Abraham (que la paix soit sur lui) se reflète sur les visages des Arabes, leurs mœurs et leur façon d’être. Ils étaient, sans nul doute, les véritables descendants d’Abraham. Quant à ses propres coreligionnaires, à savoir les colons juifs d’Europe, ce n’étaient que des étrangers présomptueux dont le lien avec Abraham était rompu depuis une période lointaine. Ces années passées en Palestine et en Egypte lui conférèrent une profonde connaissance de l’Orient et un amour pour les Arabes qui l’accompagnera pour toujours.

La route vers la Mecque

Malgré le patrimoine religieux juif ancestral transmis par sa famille, Muhammad Asad, cette âme humaine et fougueuse, ne s’est pas accommodé des cadres étroits de la religion juive. Il constate que les juifs ont instrumentalisé la religion en faveur de la supériorité raciale dont ils se sont imprégnés. Même l’idée du Créateur transcendant de l’univers se transforma dans leur culture en une notion purement ethnique. Ainsi, dans la culture juive, Dieu ne se préoccupe que du « destin d’un seul peuple parmi les peuples de toute l’humanité, à savoir le peuple juif ».  Plus encore, le Dieu de l’univers se transforme chez eux en un « Dieu tribal, qui formule les destinées de toutes les créatures selon les exigences de l’existence du seul peuple élu » selon son expression. Il est probable que ce soit son ressentiment envers l’ethnocentrisme étroit prévalant dans la doctrine juive qui ait poussé Asad à rechercher dans l’Islam le sens de la vie ainsi que les valeurs humaines universelles.

L’Islam a conquis le cœur de Muhammad Asad en 1926 alors qu’il se trouvait à Berlin, pendant qu’il lisait la traduction de la sourate « Attakathour »[2]. Il écrit à propos de son impression à l’issue de cette lecture : « Ceci n’est pas la sagesse d’un homme qui a vécu dans la péninsule arabique dans des siècles lointains… La voix du Coran est trop grande pour être la voix de Mohammad (que la paix et la bénédiction soient sur lui) ».

Dès sa conversion, il part faire le pèlerinage en compagnie de sa première femme (Else) qui adopta l’Islam avec lui. Celle-ci décède quelques jours après avoir accompli le devoir du pèlerinage. Cependant, Asad décide de demeurer parmi ses coreligionnaires et de déployer les efforts nécessaires pour consolider la nouvelle foi  qui avait  profondément touché son cœur et  rehausser  la communauté à laquelle il avait choisi d’appartenir.

La conversion d’Asad à l’Islam  ne s’apparente pas à une imitation ou à une fascination romantique pour l’Orient pendant un moment sombre de l’Histoire de l’Occident. Asad n’était pas un personnage romantique. C’est ainsi que son premier livre à propos de l’Orient fut intitulé « Un Proche-Orient sans romantisme ». C’était une personne noble en quête du sens de la vie et de ses vertus innées, qu’il trouva dans la doctrine islamique et s’y attacha profondément, ainsi que dans les mœurs des Arabes qu’il chérit sincèrement. Sa conversion fut une décision réfléchie basée sur une compréhension du sens de la vie et de sa finalité. A ce propos, Asad écrit : «Je ne suis pas devenu musulman parce que j’ai longtemps vécu parmi les Musulmans. Au contraire,  j’ai décidé de vivre parmi eux parce que j’avais embrassé l’Islam » (Le chemin de la Mecque[3]).

C’est ainsi qu’Asad vécut dans la péninsule arabique pendant six ans, durant lesquels il approfondit sa connaissance de la langue arabe et se prit de passion pour la culture islamique. Dans un style captivant, il décrit ses aventures et ses voyages dans le désert de Néfoud et ailleurs, dans son livre «Le chemin de la Mecque» (traduit en arabe sous le titre : Le chemin de l’Islam).

Asad fit la connaissance du roi Saoud ben Abdelaziz et de son fils, le prince Fayçal (devenu roi par la suite). Il épouse une saoudienne, « Munira », qui donnera naissance à son fils « Talal Al-Asad », éminent anthropologue et Professeur à l’Université de New-York.

Asad avec l’Asad[4] (le lion) du Désert

Parmi les épisodes passionnants pouvant révéler la solide personnalité de Muhammad Asad et sa foi profonde dans la doctrine et  la nation islamiques, figure le voyage pénible et périlleux entrepris du Hedjaz jusqu’en Lybie, pour rencontrer le Cheikh des Moudjahidines Omar Al-Mokhtar.

En effet, pendant son séjour au Hedjaz, Asad fit la connaissance d’Ahmad Al-Sharif, le Cheikh des Senoussi, exilé en terre sainte. Ce dernier captiva son cœur par sa noblesse et sa générosité. Asad écrit à son propos : « II n'y a personne dans toute l'Arabie que j'aime davantage que Sayyid Ahmad, car il n'y a personne qui se soit sacrifié à un idéal si totalement et de façon si désintéressée…  un exilé qui, après trente ans de lutte et sept ans de pérégrinations entre la Mer Noire et les montagnes du Yémen, avait vu se fermer toutes les portes de sa patrie, la Cyrénaïque [Lybie]… Aucun autre nom n'avait causé tant de nuits d'insomnie aux dirigeants coloniaux d'Afrique du Nord » (Le chemin de la Mecque, pages 286-287).

Ahmad Al-Sharif demanda à Muhammad Asad de se rendre en Lybie pour rencontrer le Cheikh Omar Al-Mokhtar, constater de près les conditions du mouvement djihadiste qui était en train de s’affaiblir et proposer des plans et des suggestions qui pourraient le relancer et le renforcer. Ayant pris conscience de la noblesse de sa mission, Asad n’hésita point. Il écrira par la suite que les forces d’Omar Al-Mokhtar se battaient pour la liberté et l’Islam comme l’avaient fait les compagnons du Prophète (pbsl) dans le temps. « De chercher à les aider dans leur combat dur et amer, malgré l'incertitude du résultat, m'était personnellement aussi nécessaire que de prier… » (Le chemin de la Mecque, pages 299-300).

A l’issue d’un long périple où il dût affronter les abysses de la Mer Rouge à bord d’un bateau en bois branlant et traverser les déserts brulants d’Egypte et de Lybie à dos de chameau, il y eut la rencontre historique avec le Cheikh Omar Al-Mokhtar. Asad relata à son sujet : « Alors celui-ci arriva, montant un petit cheval dont les sabots étaient enveloppés de chiffons. Deux hommes à pied l'encadraient et plusieurs autres le suivaient. Lorsqu'il atteignit le rocher au pied duquel nous attendions, l'un des hommes l'aida à descendre de cheval et je pus voir qu'il se mouvait avec difficulté (j'appris par la suite qu'il avait été blessé dans une escarmouche une dizaine de jours auparavant). A la lumière de la lune qui se levait, je pouvais maintenant le voir distinctement. C'était un homme de taille moyenne à la forte ossature, une courte barbe blanche comme neige encadrait son visage sombre aux rides profondes; les yeux étaient profondément enfoncés dans leurs orbites et les plis qui les entouraient permettaient de supposer que, dans des circonstances différentes, ils auraient été aisément enclins au sourire, mais ils n'exprimaient alors que mélancolie, souffrance et courage. (Le chemin de la Mecque, pages 306-307).

L’idée de Senoussi et d’Asad était de relancer le mouvement djihadiste en déclin en Lybie, en le concentrant dans la région de « Kufra », puis de le ravitailler en armes et en argent depuis l’Egypte. Cependant, lorsqu’Asad arriva en Lybie, la localité de « Kufra » était déjà tombée. En outre, les fascistes italiens avaient resserré l'étau sur la frontière égypto-libyenne et étendu des fils de fer barbelés sur toute sa longueur.

Muhammad Asad demeura avec le Cheikh Omar Al-Mokhtar pendant deux jours afin de se concerter sur les moyens qui pourraient sauver le mouvement djihadiste, mais ce fut en vain. Omar Al-Mokhtar était parfaitement conscient du sort inévitable de son mouvement djihadiste voué au déclin, sans que cela n’ébranle son courage ni n’affaiblisse sa détermination. Il dit à son visiteur : « Ainsi tu peux le voir, mon fils, nous sommes assurément arrivés près de la fin du temps qui nous est imparti… Nous combattons parce que nous devons combattre pour notre foi et notre liberté jusqu'à ce que nous chassions les envahisseurs ou que nous mourrions. Il n'y a pas d'autre choix. Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons » (Le chemin de la Mecque, page 308).

Quand Asad a compris que la bataille militaire en Lybie était sur le point d’être perdue, il proposa au Cheikh Omar Al-Mokhtar de se retirer avec lui en Egypte pour sauver sa vie. A partir de là-bas, ils pourraient s’atteler ensemble à reconstruire le mouvement djihadiste libyen et essayer d’établir des ponts avec les Anglais, qui contrôlaient l’Egypte à cette époque, afin de profiter des mauvaises relations entre eux et les Italiens… Cependant, la volonté du Cheikh Omar Al-Mokhtar était de rester parmi ses compagnons moudjahidines jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause ou qu’il périsse…

Asad fut alors obligé de rebrousser chemin. Mais le chemin du retour ne fut pas parsemé de fleurs car il a du traverser les fils de fer barbelés et les postes de contrôle italiens. D’ailleurs, il fut démasqué et attaqué par une ronde italienne, en compagnie d’un certain nombre de moudjahidines d’Omar Al-Mokhtar. Mais ils réussirent tout de même à passer à la frontière après avoir perdu cinq martyrs sur le champ de bataille.

Huit mois après cette visite djihadiste, Omar Al-Mokhtar fut capturé ; il succomba en martyr aux mains des fascistes italiens.

Retour à l’occident musulman

Après avoir payé un long tribut pour le soutien de l’Islam dans la Péninsule Arabique et l’Afrique du Nord, il se dirige vers le sous-continent indien dans le  même but de soutenir l’Islam et les Musulmans. Il pénètre profondément en Orient musulman et visite l’Iran, l’Afghanistan et l’Inde (avant sa scission) où il rencontre le poète-philosophe Mohammed Iqbal. Ce dernier découvre ses talents intellectuels et la profondeur de son engagement pour la cause de l’Islam. Il le persuade de rester en Inde pour participer à « l'élaboration des fondements intellectuels de l'Etat islamique »[5] futur, à savoir la République du Pakistan.

Après le décès de Mohammad Iqbal et la fondation de l’Etat du Pakistan, Muhammad Asad en obtient la nationalité. Il travaille au sein de la direction de la « Revivification Islamique » où il rédige les idées de la constitution islamique conçue pour le nouvel Etat. Ces idées constituèrent par la suite la base théorique de son précieux livre « Les Principes d’Etat et de Gouvernement en Islam »[6]. Ensuite, il intègre le ministère des Affaires Extérieures pakistanais, où il fut d’abord responsable des relations avec le monde arabe puis Ambassadeur au sein des Nations-Unis à New-York. De récentes découvertes datant de quelques années indiquent que les Israéliens tentèrent d’attirer Muhammad Asad pendant son mandat d’Ambassadeur à New-York au début des années cinquante, supposant qu’ils pouvaient exploiter ses origines juives. Mais ils finirent par se rendre compte que l’homme avait voué toute son allégeance à l’Islam et leurs tentatives restèrent vaines.

En 1952, Asad démissionne de son poste d’Ambassadeur du Pakistan aux Nations-Unies pour se consacrer à la rédaction de son livre « Le chemin de la Mecque ». Ô combien fut bénie cette démission qui permit de produire ce livre !

En 1955, Asad part s’installer en Espagne où il passe le restant de sa vie en compagnie de sa femme américaine musulmane Paula (Hamida) Asad, tout en se consacrant au projet le plus important de sa vie, à savoir la traduction du Saint Coran et son commentaire en langue anglaise. Ceci se concrétisa dans son livre « Le message du Coran »[7], une traduction intelligente du Coran, accompagnée de commentaires qui reflètent l’étendue des connaissances de son auteur ainsi que sa maîtrise des significations du Coran et des secrets de la langue arabe. Le « Centre des Relations Américaines-Islamiques »[8] à Washington a adopté cette traduction qui se trouve actuellement distribuée dans le cadre de la campagne de distribution d’un million d’exemplaires de la traduction du Livre Saint.

Au terme d’une longue vie  Muhammad Asad décède en 1992 à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Il fut enterré à Grenade, cette ville où il aimait contempler les vestiges de la civilisation islamique en Andalousie, durant ses dernières années en Europe, ce continent qui l’a vu naître. En 2008, la municipalité de Vienne nomma une de ses avenues les plus importantes – celle qui fait face au bâtiment des Nations-Unies – « Avenue Muhammad Asad ». Là où on le considère comme un fils du pays qui devint citoyen du monde et qui a œuvré pour la construction des ponts entre l’Orient et l’Occident.

L’union de l’âme et du corps

Muhammad Asad ne supportait pas la fission de l’être humain entre l’esprit et la matière dans la culture européenne. Son état d’âme faisait ainsi écho aux paroles de Jalal Eddine Roumi dans le Mathnawî :

Le corps n’est pas voilé à l’âme, ni l’âme au corps, cependant nul ne peut voir l’âme[9]

 Il n’a pas supporté non plus le climat raciste et odieux qui régnait en Europe au début du vingtième siècle, culminant à la fin sous la forme du nazisme allemand. En cherchant un remède à ces deux plaies, il trouve dans l’Islam une unification des deux composantes de l’existence humaine ainsi que la concrétisation de la fraternité universelle. Ce fut donc le secret de son attirance pour cette religion.

Dès qu’il s’installe en Orient musulman en tant que  journaliste au début du vingtième siècle, Asad commence à appréhender progressivement l’esprit de l’Islam. Il écrit à propos de l’impact de son séjour en Orient : « Depuis le tout début, j’ai senti grandir en moi une sympathie pour une conception de la vie plus tranquille – je devrais plutôt dire, plus humaine – en comparaison avec le mode de vie mécanisé et hâtif en Europe. Cette sympathie m’amena graduellement à enquêter sur les raisons d’une telle différence et je devins alors intéressé par les enseignements religieux des Musulmans. A cette époque-là, l’intérêt n’était pas assez fort pour m’attirer dans le giron de l’Islam, mais il m’a ouvert la perspective d’une société humaine progressive, organisée avec un minimum de conflits internes et un maximum de sentiments fraternels réels.»[10] (Islam at the Crossroads, page 10).

Au fil des ans et en acquérant une solide connaissance de la culture orientale, Asad comprend que l’Islam représente ce qu’il recherchait à propos de l’unicité du Créateur et l’unité de l’Humanité. Il comprend que « l’Islam conduit l'homme à une unification de tous les aspects de sa vie. » (Islam at the Crossroads, page 93) ; et que c’est « un système moral et pratique, individuel et social » (Islam at the Crossroads, page 92). En réfléchissant sur la signification du culte musulman, Muhammad Asad  constate qu’il s’agit d’un système innovant composé de l’élévation spirituelle et de l’organisation sociale : « L’idée en Islam concernant le culte n’est pas d’inclure uniquement les prières, mais d’inclure toute la vie. L’objectif étant de rassembler notre être spirituel et notre être matériel dans un seul tout » (Al-Islam ala Mouftarak Attourouq , page 106). C’est pour cela que l’une des caractéristiques toutes particulières de l’Islam et le secret de sa force, sa vigueur et son attrait éternel réside dans cette « totale harmonie entre les aspects moraux et matériels de la vie humaine. Ce fut l’une des raisons pour lesquelles l’Islam, à son apogée, a triomphé partout où il apparaissait… notre Prophète, dans sa mission comme guide apostolique pour l'humanité, était profondément préoccupé par la vie humaine dans sa polarité, à la fois comme un phénomène spirituel et matériel. » (Islam at the Crossroads, pages 83-84)

Muhammad Asad avait saisi que la fraternité humaine qui fut piétinée en Europe par la frénésie nationaliste, se concrétisait également en Islam. Il observe que « la force intérieure et la solidité sociale du monde islamique étaient supérieures à tout ce que l'humanité avait connu jusque-là concernant l'organisation sociale. » (Islam at the Crossroads, page 34). Aucune des anciennes civilisations n’avait connu autant de mélanges de races que la civilisation Islamique. Ceci ne pouvait  échapper à Asad qui avait profondément étudié les civilisations romaine et grecque. 

La renaissance du monde musulman

Le souci principal de Muhammad Asad fut la nécessité du renouveau spirituel et intellectuel dans le monde musulman. Il consacre à cela deux livres : « L’Islam à la croisée des chemins » et « Les Principes de l’Etat et de Gouvernement en Islam »[11]. Il y suggère que « nous devons libérer [la Sharia] de la couche épaisse d'interprétations conventionnelles qui se sont accumulées au fil des siècles » (Islam at the Crossroads, page 103). Asad se soulevait contre la paresse intellectuelle qui était répandue dans les milieux islamiques traditionnels et qui les empêchait de participer au mouvement des réformes et du renouvellement, car «la paresse de l’esprit est en réalité aussi importante que la paresse du corps » (Al-Islam ala Mouftarak Attourouq, page 107).

Asad abhorrait également la superficialité qui caractérisait certains musulmans qui avaient reçu une éducation occidentale et qui considéraient la culture occidentale comme la norme universelle, sans aucune conscience du temps et de l’espace. Asad attira l’attention sur le fait que « La connaissance en elle-même n’est ni occidentale ni orientale … Mais le point de vue à partir duquel les faits peuvent être considérés et présentés varie selon les tempéraments culturels des nations » (Islam at the Crossroads, page 67). Ce qu’Asad reproche le plus à ces occidentalisés est qu’ils ne saisissaient pas la grandeur du message islamique et son caractère éternel. Il écrit que « l'idée que certaines injonctions générales du Coran étaient destinées seulement aux Arabes ignorants à l’époque de la révélation  et non à l’élite raffinée (gentlemen) du XXe siècle, constitue une sous-estimation étrange du vrai rôle du prophète arabe » (Islam at the Crossroads, page 84).

Le secret de cette position fragile de la part de ces personnes – du point de vue d’Asad – est le manque de confiance en soi et un déficit dans sa propre estime. Il estime que : « Afin de réaliser la régénération du monde de l'Islam… Un musulman doit vivre avec la tête haute. » (Islam at the Crossroads, page 79). Il était également persuadé qu’ «aucune civilisation ne peut prospérer, ni même exister, après avoir perdu sa fierté et la connexion avec son propre passé. » (Islam at the Crossroads, page 80).

Asad, qui possédait une profonde connaissance des cultures de l’Occident et de l’Orient constate que l’Humanité, quel que soit le degré d’évolution de sa civilisation, continuera à trouver dans l’Islam la réponse exhaustive et le baume salutaire : « Il n’y a aucun signe visible que l'humanité, dans son état actuel, ait dépassé l'Islam. Elle n'a pas été en mesure de produire un système éthique meilleur que celui exprimé dans l'Islam. » (Islam at the Crossroads, page 99).

Que Dieu accorde Sa miséricorde à Muhammad Asad, le chercheur de la confession d’Abraham..

 

Par Mohamed El-Moctar El-Shinqiti, Professeur au Centre de Recherche sur la Législation Islamique et l’Éthique (CILE). Traduit de l'Arabe par Zineb Ritab et corrigé par Farouk Chraibi

 

 


[1] La traduction française du livre fut éditée en 2005.                                                                                                                             

[2] Sourate 102 du Coran. (« Rivaliser par le nombre » J. Berque//  ou « la supériorité numérique » Aboubakeur)

[3] Cette phrase, présente dans l’introduction de l’auteur dans la version originale en anglais (Road to MAKKAH, page 8) fut supprimée – ainsi qu’une grande partie de l’introduction – dans la traduction française du livre.

[4] Le lion se prononce «Asad» en arabe.

[5] Cette phrase fait également partie de l’introduction de l’auteur qui fut supprimée dans la traduction française du livre. Elle existe dans la version originale en anglais (Road to MAKKAH, page 2)

[6] The Principles of State and Government in Islam, University of California Press, 1961.

[7] The Message of The Qur'an, Dar al-Andalus Limited, 1980

[8] CAIR – Council on American-Islamic Relations

[9] Mathnawî La Quête de l’Absolu, traduction d’Eva de Vitray-Meyerovitch, Paris, Editions du Rocher, 1990.

[10] Les citations relatives au livre “L’Islam à la croisée des chemins” ont été traduites de la version originale en anglais, “Islam at the Crossroads“, à part les citations provenant du dernier chapitre, qui sont traduites de la version arabe « Al-Islam ala Mouftarak Attourouq ».

[11] The Principles of State and Government in Islam

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