
Rapport sur la participation du Dr Fethi Ahmed à une Conférence internationale
Le Docteur Fethi Ahmed a pris part à la Conférence Internationale sur : « Les identités diasporiques et migrantes : Aspects sociaux, culturels, politiques, religieux et spirituels » qui s’est tenue à Sarajevo, Bosnie-Herzégovine les 23 et 24 avril 2015. Le Dr Ahmed a présenté une communication intitulée : « Les migrants musulmans en Nouvelle-Zélande : Défis et opportunités ».
La communication a commencé par une brève présentation de la Nouvelle-Zélande, avec ses origines maories, son territoire, sa population et son système politique, économique et social. Le conférencier a ensuite traité de l’arrivée des Européens, du développement du pays ainsi que de l’immigration musulmane et de la formation de la communauté musulmane. Il a montré que la communauté musulmane de Nouvelle-Zélande est constituée d’immigrés, de réfugiés, de convertis à l’islam et de leurs descendants. La communauté de 46000 personnes est relativement peu nombreuse et représente environ 1% de la population totale. Bien que la communauté musulmane de Nouvelle-Zélande soit géographiquement très éloignée du monde musulman, elle est très diverse tant sur le plan ethnique que sur celui de l’appartenance aux différentes tendances, sectes et écoles de pensée.
Comme de nombreuses communautés migrantes d’Europe et d’Amérique, la communauté musulmane de Nouvelle-Zélande est confrontée à de multiples défis : comment préserver son identité musulmane ; comment s’intégrer et contribuer dans sa nouvelle patrie ; comment bénéficier des droits liés à la citoyenneté ; la participation politique ; comment être unie et forte, etc. Au cours de son analyse, le Dr Ahmed a surtout insisté cependant sur le défi lié à l’éducation et sur celui lié à la préservation de l’unité et à la résolution des conflits internes.
Il a expliqué que les musulmans de Nouvelle-Zélande s’accordent généralement à considérer que la nature laïque du système scolaire public nuit à l’identité musulmane de leurs enfants. Cependant, des divergences se présentent au sein de la communauté entre les partisans de l’assimilation, les partisans du rejet et ceux qui optent pour l’intégration. Les partisans de l’assimilation on accepté d’éduquer leurs enfants dans le système scolaire laïque et s’en font même les défenseurs. Les partisans du rejet se divisent en deux groupes : d’une part, ceux que leur rejet du système scolaire laïque a poussés à inscrire leurs enfants dans des écoles musulmanes où ils étudient le programme scolaire national, reçoivent un enseignement religieux et moral et vivent dans un environnement scolaire islamique ; d’autre part, ceux qui préfèrent instruire leurs enfants à la maison et font face à toute la difficulté d’apporter à leurs enfants un enseignement de qualité des matières du programme scolaire, de la religion et de la morale. Ceux qui optent pour l’intégration sont les musulmans qui sont contraints d’inscrire leurs enfants dans les écoles publiques laïques soit parce qu’il n’y a pas d’écoles musulmanes là où ils habitent soit parce qu’ils n’y trouvent pas de place pour leurs enfants, et qui complètent cet enseignement en inscrivant leurs enfants aux cours d’éducation islamique proposés par les mosquées, les centres islamiques ou les écoles islamiques du week-end. Ces enseignements sont habituellement donnés en dehors des horaires scolaires. Les élèves sont surchargés puisqu’ils doivent étudier après l’école ou le week-end, et ils sont souvent peu motivés par ces enseignements généralement donnés par des professeurs à l’approche traditionnelle, peu qualifiés dans la pédagogie moderne, et qui parfois ne parlent même pas anglais.
Les musulmans de Nouvelle-Zélande sont également confrontés à un autre défi considérable, celui de rester unis et de résoudre leurs dissensions internes. Le Dr Ahmed a souligné l’écart paradoxal entre la théorie et la réalité de la vie de la communauté musulmane. D’une part le Coran et la sunna enseignent l’unité, la coopération, la fraternité, le respect mutuel, la tolérance et la paix. D’autre part, la réalité est quasiment l’inverse. Le Dr Ahmed a donné de nombreux exemples de désaccords et de conflits, qu’il a expliqués par l’attachement sectaire à une origine ethnique ou à une école de pensée, l’intolérance dans les désaccords au sujet de la gestion des mosquées ou des centres islamiques, l’attitude vis-à-vis de la direction des organisations et le manque de compétences dans la résolution des conflits. Ces désaccords et ces conflits ont nui gravement à la cohésion de la communauté musulmane et beaucoup d’argent a été gaspillé en frais d’avocat et de procès. Ils ont aussi terni la réputation des musulmans et contribué au développement de l’islamophobie.
Le Dr Ahmed a souligné que malgré une baisse des opportunités en raison de facteurs internes et externes comme les problèmes de leadership, le manque de vision et l’augmentation des sentiments islamophobes, il reste toujours de nombreuses opportunités à saisir, particulièrement grâce aux quatre facteurs suivants :
1. Le système juridique juste et équitable de la Nouvelle-Zélande
2. L’indépendance des organes législatifs, judiciaires et exécutifs
3. L’engagement du gouvernement en faveur de la justice sociale et des droits de l’homme
4. La culture de tolérance religieuse et de respect de l’autre quel qu’il soit, profondément ancrée chez les Néo-Zélandais.
Les musulmans doivent donc être sûrs d’eux, dynamiques, créatifs, professionnels, bien organisés et même pragmatiques étant donné que si une opportunité se présente et qu’ils ne la saisissent pas, elle disparaîtra. Ils doivent saisir l’occasion de préserver et améliorer les projets positifs existants, comme l’Aïd dans le parc, la célébration de l’Aïd au Parlement, la Semaine d’Information sur l’islam, la Mosquée ouverte ou encore la participation active aux programmes de rapprochement communautaire du Bureau des Affaires ethniques. Les musulmans doivent pérenniser leur présence, prendre racine et cesser d’émigrer de Nouvelle-Zélande. Ils doivent se défaire de l’image très destructrice d’être des immigrés plutôt que des citoyens. Ils doivent s’efforcer de montrer qu’ils sont des « musulmans de Nouvelle-Zélande » plutôt que des « musulmans en Nouvelle-Zélande ». En outre, les musulmans ne doivent pas hésiter à examiner leurs propres problèmes internes et à mettre en œuvre une réforme radicale. Une telle réforme passera par des leaders visionnaires, des organisations fortes, un travail d’équipe et un esprit de coopération, ainsi que l’émancipation des femmes et de la jeunesse leur permettant d’accéder à des positions de leadership et de contribuer au développement de la communauté dans son ensemble. Il leur faudra également revoir leur attitude face au travail et à la participation politique afin de bénéficier pleinement de leurs droits en tant que citoyens. Il ne s’agit pas seulement de profiter de l’obtention de la nationalité néo-zélandaise et de quitter le pays.
Le Dr Ahmed a conclu son intervention en soulignant que malgré la faible importance numérique de la communauté musulmane et l’éloignement du monde musulman et malgré les problèmes rencontrés, cette communauté est diverse et en rapide expansion et son niveau éducatif s’améliore. Cette croissance quantitative devrait toutefois s’accompagner d’une croissance qualitative. Il faudra s’attaquer à tous les défis, en particulier l’éducation et le manque d’unité, qui sont cruciaux pour le bien-être actuel et futur de la communauté musulmane. Il faudra également saisir toutes les opportunités de développement général et d’intégration dans la société néo-zélandaise.
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